Un long, très long voyage [Bg - Nzhigi]

« Ne t'inquiète pas, je reviens pour dîner »

Cette phrase... cette phrase, je l'entend se répéter, comme l'écho de la folie. Je m'agenouille, le coup d'épée en mon ventre est fatale... Je ne pourrai plus respirer bien longtemps...

« Ne t'inquiète pas, je reviens pour dîner »

Je la cri intérieurement. Si seulement je pouvais crier... Mes poumons exploseraient de souffrance, mes tympans éclateraient de douleur...

« Ne t'inquiète pas, je reviens pour dîner »

Pourquoi... qu'est-ce qui m'a pris... Pourquoi ne t'ai-je pas écouter ! Myriam...

« Ne t'inquiète pas... »

Myriam... sauras-tu me pardonner ?

« Je reviens... »

Myriam... J'espère qu'en ton coeur, tu sauras trouver la force de m'oublier...

« Pour... »

Car moi, jamais je ne saurai me pardonner...

« ... dîner »

* * *

Noir... ténèbres... Je ne vois plus rien, je n'entend plus rien... Où suis-je ? Je... je ne me rappel plus ce qui s'est passé. Je n'ai pas la force de penser, de réfléchir. Qui suis-je ? Je ne le sais plus...

J'ai froid... En fait, je ne le sens pas, mais je le sais. Qu'est-ce que le froid si ce n'est que l'absence de chaleur ? Je n'ai pas chaud, je dois avoir froid alors ? Ai-je un corps ? Je ne peux le savoir... je... je ne sens plus rien...

Est-ce que j'existe ?

Suis-je... mort ?

* * *

J'ouvre les yeux, que vois-je ? Un grand ciel sombre, sombre comme mon histoire, sombre, comme l'histoire de tous ceux qui sont ici.

J'ouvre les yeux, que vois-je ? Un nouveau commencement, un nouveau destin.

J'ouvre les yeux, que vois-je ? Je vois... le monde de nouveau !

Comment est-ce possible ? N'étais-je pas mort ? Alors, j'étais dans l'erreur ? Cette voix... Cette voix froide, tremblante... Je ne saurais l'oublier... Cette voix surhumaine... Un Cillias ?

Pourquoi suis-je ici ? Je ne me rappelle plus de rien...

« Nom ? »

Qui a parlé ? Je ne vois pourtant personne autour ? Que... Que se passe-t-il ? Suis-je fou ? Qu'est-ce que la folie ? L'incompréhension du monde qui nous entoure ? Alors je dois être fou...

« Votre nom ? »

Cette voix... d'où provient-elle ? Je dois me lever, regarder... J'ai peine à bouger, respirer me torture. J'ai l'impression que mes poumons restent immobile, mais pourtant, je me sens gorger d'air...

« Laisse le, il n'est pas encore tout à fait réveiller »

Deux ? Ils sont deux ? Peut-être plus ? Je ne comprend plus... Fermer les yeux, m'échapper, oublier, disparaître... Je dois revenir dans cet océan calme de bien-être, je veux mourrir de nouveau...

* * *

« Votre nom ? »

L'être translucide me demande mon nom pour la dixième fois. Maintenant, je sais que je ne mourrai plus, je n'ai pas le choix. Je me suis relevé, à moitié, du mieux que mon corps me le permettait.

Mon nom ? Comment pourrais-je le savoir... Je ne sais même pas si j'existe...
Pourtant mes lèvres bougent d'eux-même... Je ne me contrôle plus...

« Nzhigi »

Ce nom... si mal écrit, si mal choisis... mais pourtant, il sonne si bien à mes oreilles... Oreilles ? J'entend alors... J'entend, je vois, je parle... peut-être que j'existe après tout...

« Bien »

Bien ? C'est tout ? Dix milles questions se formulent dans ma tête, mais je ne peux bouger, je ne peux parler. Paralysé... de peur ? d'angoisse ?

Je jette pour la première fois un coup d'oeil à mon corps...

Vert, putride, percé, pourris... et pourtant, je n'ai pas peur. Je ne me rappelle plus de rien, ce corps est donc le miens ? Je fais très vite connaissance avec celui-ci... et je l'accepte.

Tant de questions, si peu de réponse... Je me sens idiot, inutile, vide...

Cette vie, qui pour moi, intérieurement, ne semble pas la première, s'annonce terriblement compliquée...

Souffrance...
« Je n'en peux plus... ».
Douleur....
« Aidez moi... quelqu'un... ».

* * *

Peut-être eus-je erré dans ces ruelles ténébreuses depuis des heures, des jours, des années...

Mon esprit a depuis longtemps cessé de calculer le temps, car lorsqu'on est en Mortancia, paradis des enfers, il arrive souvent qu'on ambule, sans but, boitant, sans destination. Tout espoir de retrouver un jour mon corps s'est dissipé. J'ai depuis longtemps - trop longtemps - sombré dans cette partie de mon âme qu'autrefois je redoutais.

Bien qu'aucune larme ne soit possible pour mon corps pustulant, je sens celles-ci glisser sur ma joue décomposée, invisibles. Je sens ce qui me semble acide me dévorer le visage, nuit et jour, sans remord. Comme je voudrais mourrir... Mais c'est déjà fait...

J'ai depuis longtemps oublié les promesses que je m'étais fait...

« Satané vivants... Ils se croient tous meilleurs, nous traitant d'infâmes... Et pourtant ne sommes-nous pas les mêmes, n'eut-ce été de notre corps ? Stupides idiots de crétins ! ».

Voilà ce que depuis des semaines je maugré, marchant tranquilement dans la ville sombre, nuit et jour, jour et nuit, sans arrêté.

On me donna même un surnom. Nzhigi l'errant. Les avis à mon égard sont partagés, certains déclarent que je suis intuile, qu'on devrait me bannire. D'autres affirment que de réfléchir ainsi n'est qu'un signe de futurs exploies dans les branches mystiques de la cité. On m'a même déjà traité de luthyss...

J'erre encore dans les ruelles sombres, cherchant un sens à ma réincarnation. Peut-être trouverai-je dans cette sombre méditation réponse à mes questions un jour... N'ai-je pas l'éternité devant moi ?