La pluie tintait de manière sinistre sur les armures osseuses. Les grognements étouffés annonçaient déjà la future couleur de la boue, carmin. La terre, ce soir, elle aussi, serait ivre de sang.
Les « suletés d’hustunes » étaient, encore une fois, c’est bien connu, encore allés trop loin. Mais… après tout, qu’est-ce que le trop loin ? La majorité des gorlaks formant le rang serré, étouffant leur hargne en grondements sourds et tintement d’os et d’acier, n’avaient aucune, mais aucune idée de la faute commise. Par contre, ils entendaient bien la faire payer par déversement de sang au litre, et pillage sans la moindre vergogne.
L’assaut sur l’avant fort hastane, petite et minable forteresse au milieu d’un boisé avoisinant Citria, histoire d’accommoder quelques bûcherons, quelques cueilleurs, et surtout la milice qui voulait régir d’une main de fer le territoire, et éviter les pillages et les destructions organisés par leurs éternels antagonistes, serait possiblement de fait sous peu.
L’assaut élémentaire avait pour avantage le couvert de la bruine grise et morne, enfant de l’automne, et la pluie fine et froide qui laissait présager en une toute légère mélodie le tintement des aciers, des tambours et des os qu’elle chantait en prélude au combat, de sa voix fine.
Un Grunt, de seconde classe, parmi les autres, écoutait cette mélopée le cœur palpitant, la gueule écumante. Il avait eut l’honneur d’être choisi par ses supérieurs pour être de la première ligne de cet assaut. S’il parvenait à embrocher assez de têtes, répandre assez de flots sanguins, et chiper assez d’escarcelles, sans doutes serait-il promu. Et c’est la tête pleine de toutes ces enrichissantes et attrayantes possibilités qu’il attendait l’appel à l’assaut.
Alors que le signal s’apprêtait à être donné, ce dernier, trop imbu de ces glorieuses idées, et évitant de frôler de trop près l’once de jugeote qui eut été appropriée, entreprit de gueuler :
_PUR NURSHUL LU SUMBRE ! PUR LUI !
Et continuant sur sa lancée, ignorant tout du regard hostile qu’adressait le chef d’expédition, non plus vers l’emplacement de la forteresse, mais vers son emplacement dans le rang. Il énonça, de nouveau, d’une voix tonitruante le cri qui lui fut familial :
_ZAKTH…
Un sifflement vint interrompre son cri. Qui lui resta fiché dans la gorge. En même temps qu’une flèche à la hampe de bois solide et à la terminaison fait de plumage immaculé. Décidément un archer dans la forteresse avait une bonne ouïe.
Ceux de seconde ligne reçurent giclée autre que la pluie, du plus riche des pourpres, à la figure. Cillant et se pourléchant au goût du sang, fut-il de leur frère de combat nouvellement tombé, ils tenaient visiblement plus en place. Qui plus est, la flèche annonciatrice, portait un message qui n’avait pas besoin de lettrages pour être compris. Ils avaient été repérés désormais. Et plus l’assaut et l’hallali tarderaient, plus les chances de défaites étaient grandes. Cette fois, d’un signe du chef, les preux foncèrent comme un seul être grognant et belliqueux vers la maigre forteresse, sous une pluie nouvelle de ces oiseaux sifflants et mordants qui avaient déjà abattu leur frère d’arme, qu’ils piétinaient désormais sans égard le plus moindre.
Parce qu’il avait été indigne, faiblard, c’était pour la Horde ce qu’il méritait.
Indigne… pour tous ?
Des yeux s’ouvrirent, en un visage mutilé et terreux. Une voix maigre. Étouffée. Issue des entrailles même du misérable.
_ZaXthoSs
Finalement, il en un souffle, il l’avait fini, ce cri. Reste qu’à présent, il ne savait plus pourquoi il lui collait aux lèvres et aux brumes de l’esprit. Il prit donc à parti de le considérer comme son nom. Mais malgré cela, dans son crâne meurtri, que restait-il, hormis une nouvelle errance.